Conseils d’experts pour arroser efficacement son potager
Realise your gardening dreams

Un potager presque sans eau

5 questions à Blaise Leclerc pour arroser efficacement son potager tout en économisant l’eau

Véritable enjeu écologique, l’arrosage du potager pose questions à une période où les étés et les hivers sont de plus en plus chauds en France. Avec notamment des nappes phréatiques qui restent vides dans le sud malgré les pluies de fin d’été. Peut-on vraiment continuer à arroser son potager ? Pour aller vers de nouvelles habitudes d’arrosage, avec plus d’économies et plus d’efficacité, nous avons posé 5 questions à Blaise Leclerc, docteur en agronomie et ancien expert du sol et de la fertilisation à l’ITAB*. Jardinier depuis 40 ans, il a écrit de nombreux livres sur le jardinage biologique et nous livre ses conseils d’experts pour un arrosage au potager très bien dosé.

GARDENA - Arroser son potager est une action indispensable, mais non sans conséquences au regard du changement climatique. Concrètement, qu’est-ce que cela engage ? 

 

Blaise Leclerc – Il est difficile d’obtenir des chiffres de consommation d’eau dans les potagers et les jardins français, car on ne connaît pas les surfaces de légumes cultivés par les particuliers. On a plus de données en ce qui concerne l’agriculture. Ce que l’on sait par rapport au changement climatique, c’est qu’il y a de plus en plus de sécheresses dans les régions méditerranéennes et qu’il fait de plus en plus chaud en été. Dans le sud, les nappes phréatiques ne sont pas rechargées depuis 2 ans, malgré les orages de fin d’été. Dans mon jardin, il est impossible d’arroser à partir du mois de juillet, non seulement par restrictions d’eau mais surtout parce qu’il n’y en a simplement plus ! Il est devenu par exemple très difficile d’avoir des légumes d’été comme les haricots verts : ils fleurissent, mais les fleurs tombent à cause de la chaleur avant l’apparition des gousses. Le Nord de la France lui est mieux doté car les nappes se rechargent en hiver.

Les rigoles pour arroser efficacement et naturellement le potager

GARDENA - Peut-on estimer les besoins d’un jardin potager en eau ? Selon sa taille, le climat, les légumes qu’on y plante ?

Blaise Leclerc – Établir une moyenne au niveau français n’aurait pas de sens, mais j’ai pu faire un calcul des besoins en eau d’un potager cultivé dans le sud de la France. J’ai fondé ce calcul sur la base de l’évapotranspiration, contraction des deux mots évaporation et transpiration qui exprime la consommation en eau des cultures et des végétaux. Donc en tenant compte de l’évaporation qui se fait par le sol, -surtout si celui-ci est mal paillé- et de la transpiration qui passe par les plantes. En été dans le sud, mais également en climat continental, sur la base de quantités maximales d’eau pour arroser, j’ai calculé que les légumes consommaient environ 5 litres d’eau au m2 par jour. Si on compte 3 mois d’arrosage en été, de juin à août, on arrive à 100 jours d’arrosage par an, soit des légumes qui consomment 500 litres d’eau par m2 de potager. Je vous donne un autre exemple : prenons une famille de 4 personnes souhaitant être autonome en n’achetant pas de légumes. On compte à peu près 50m2 de légumes d’été par personne, soit 25m3 par été de besoins en eau. Donc pour une famille de 4, c’est l’équivalent d’un beau potager de 200m2 soit 100m3 d’eau pour arroser tout l’été. Pour vous donner une idée, 100m3, c’est à peu près la taille d’une mare…

L’arrosage goutte-à-goutte est économe en eau

GARDENA - Dans votre livre, vous passez en revue les principaux systèmes d’arrosage, pouvez-vous nous les rappeler et quel serait pour vous le plus efficace ?

Blaise Leclerc – L’arrosoir suffit à un tout petit potager, mais attention à ne pas se faire mal au dos. Ceci dit, même dans un grand potager, il est toujours utile pour les semis. Les rigoles sont un système traditionnel que nous utilisons beaucoup dans le sud. Grâce à un système de martelière depuis les canaux, ou en cas d’orage, lorsque beaucoup d’eau arrive d’un coup, on arrose alors tout le potager très rapidement grâce à des petites tranchées creusées entre les plantations en ligne. Avec la rigole, on n’arrose plus qu’1 à 2 fois par semaine, et abondamment, ce qui est recommandé. Le tuyau d’arrosage qu’on branche sur une cuve de récupération d’eau ou un bassin est efficace et simple à utiliser. L’arrosage goutte-à-goutte est économe mais un peu plus technique, car il demande une installation et de l’eau filtrée, au risque de boucher les sorties d’eau. Il nécessite aussi plus de suivi pour contrôler l’apport en eau, mais il est très intéressant pour surveiller sa consommation d’eau. On peut combiner plusieurs systèmes d’arrosage en fonction de la taille de son potager : l’arrosoir, le tuyau, les rigoles et même les oyas, ce système ancien de poteries que l’on enterre. Si les oyas ne sont pas adaptées à tous les légumes, elles conviennent parfaitement aux tomates : enterrez une oya et disposez vos 4 pieds de tomates autour, il n’y a plus qu’à remplir tous les 3 jours environ.

 

GARDENA - Arroser son potager efficacement, qu’est-ce que cela signifie exactement ?

Blaise Leclerc - Arroser son potager efficacement, cela signifie avant tout connaître son sol et en tenir compte pour l’améliorer si besoin. C’est savoir si sa terre est argileuse ou sableuse. Parce qu’une terre très argileuse n’a pas besoin d’être arrosée bien souvent, une fois par semaine environ suffira, là où un terrain sableux devra l’être tous les deux jours car le sable boit l’eau très vite. Le meilleur sol pour un potager, -et les cultures en général-, est un sol ayant une structure grumeleuse. Une bonne terre de jardin contient environ 5% d’humus et 95% de minéral composé de sables, d’argiles et de limons mélangés.

Un paillis de 20 cm conserve l’humidité aux pieds des plantations

La matière organique qu’est l’humus agit comme une colle dans le sol, créant des grumeaux (ou agrégats), ces petites billes de quelques millimètres qui retiennent l’eau tout en permettant à l’air de circuler autour. Une bonne terre à cultiver a en effet besoin d’eau et d’air ! On peut améliorer la structure d’un sol sableux en lui apportant beaucoup de compost ou de matière organique pour qu’il retienne mieux l’eau. Ensuite, au potager, l’observation et la dégustation du jardinier sont de rigueur ! Car on ne connaît pas parfaitement les besoins en eau des légumes selon leur stade de développement. Il faut donc bien les regarder et les toucher. Dans le sud de la France, il est par exemple inutile d’arroser les tomates à partir de juillet, à condition qu’elles aient aux pieds un paillis de 20 cm. Elles vont continuer de grossir et de mûrir, et les tomates les moins arrosées sont les plus sucrées ! De manière globale, on arrose beaucoup trop. Par 40°C dans la journée, nombreux sont ceux qui vont arroser tous les soirs, mais cela ne sert à rien car une terre ainsi exposée au soleil sans paillis grimpe à 50°C sur les premiers centimètres, l’eau s’évapore donc rapidement. Pour arroser à la juste dose, je recommande à tous jardiniers de s’équiper d’un pluviomètre afin de savoir combien de m3 d’eau sont tombés. 10 millimètres par exemple, cela veut dire 10 litres d’eau par mètre carré, c’est l’équivalent d’un arrosoir. Avec 20 millimètres, on peut se passer d’arrosage pendant 1 semaine. S’il n’est tombé que 2 millimètres de pluie, on sait alors qu’elle n’a pas atteint le sol sous le paillage. Le pluviomètre aide donc à la décision d’arroser ou non. 

 

GARDENA – Pour finir, quels sont vos conseils d’experts pour économiser l’eau au potager ?

Apprendre à économiser l’eau au potager avec les livres des éditions Terre Vivante

Blaise Leclerc - On sait aujourd’hui que l’évapotranspiration ne va faire qu’augmenter, l’eau va s’évaporer de plus en plus vite. Il faut donc utiliser toutes les techniques pour éviter cela. Le paillage, c’est le b.a.-ba. Pailler le potager et les plantations avec au moins 10 cm de paille ou de foin, y compris les allées, c’est primordial. Plus il est grossier, plus il doit être épais. Et il faut pailler dès le printemps afin de conserver l’eau des pluies de la fin de l’hiver. La tonte de gazon peut faire l’affaire après l’avoir laissée sécher. Au mois de mai, on plante des tomates, on paille de 10 cm environ, on rajoute 10 cm au fur et à mesure que les pieds grandissent. 2ème conseil, on crée de l’ombrage avec des arbustes ou des cagettes. 3ème conseil, avec des hivers de plus en plus doux, on change ses habitudes de culture et de jardinage. Il va être de plus en plus difficile de faire des légumes en plein été, il faut se mettre aux légumes d’hiver, mais ce n’est pas encore un réflexe de jardiniers qui pensent plus aux tomates et aux courgettes qu’aux poireaux ! On peut pourtant, dès le mois de juillet planter les poireaux et semer les carottes d’hiver. Les pluies d’automne prendront le relais des arrosages d’été. On peut semer aussi les légumes suivants en automne pour bénéficier des pluies : l’ail, l’oignon, l’échalote, les petits pois et les fèves, qui dans le sud se plantent traditionnellement en novembre, pour une récolte à partir de fin avril sans jamais avoir à les arroser. Faire des essais, jouer avec les variétés doit être un réflexe de jardinier : les pommes de terre par exemple, quand on sait qu’on ne peut pas beaucoup arroser en juin et juillet, on peut planter des primeurs en mars qu’on va récolter fin juin. La pomme de terre est solide : si elle gèle, elle repart et en plus elle laisse de la place pour les légumes d’hiver. 

2 livres à lire de Blaise Leclerc pour aller plus loin :

 

  • J'économise l'eau au potager ! Quand et comment arroser ? Éditions Terre vivante, 2017.

  • Un potager presque sans eau, conseils anti sécheresse pour arroser avec sobriété, éditions Terre vivante, collection parole d’experts, à paraître en avril 2024. 


 
*L’ITAB est l’Institut de l’agriculture et de l’alimentation biologiques.