5 questions à Pierre le cultivateur pour un potager inratable

Cultivateur star de TikTok avec ses 886K abonnés, Pierre cultive l’art du potager bio en Normandie sur une parcelle de 150m2. Autodidacte, c’est suite à un passage obligé dans son jardin après une tempête qu’il découvre un beau moyen de s’évader avec la nature. Puis lorsque la famille est sur le point de s’agrandir, sa façon à lui d’attendre son premier enfant sera de produire des légumes qui ont du goût pour le nourrir. Depuis, Pierre le cultivateur ne cesse de partager ses conseils pédagogiques à travers ses réseaux, sa chronique sur RTL chaque week-end et ses récents ouvrages Réussir son potager et Le potager inratable, une collection de fiches pour cultivateurs débutants. Entretien avec un passionné de potager qui n’a pas fini d’apprendre.

les fiches de Pierre le cultivateur pour un potager inratable éditions Marabout

©PHOTOS - RÉUSSIR SON POTAGER ET LE POTAGE INRATABLE MES FICHES JARDINIER DÉBUTANT, PIERRE LE CULTIVATEUR, ÉDITIONS MARABOUT

GARDENA - Vos deux ouvrages sont des promesses de réussite au potager. Est-ce vraiment possible de ne pas rater son potager quand on débute ?

Pierre le cultivateur - Est-ce qu'on peut rater son potager à 100% ? Non je ne le pense pas ou alors il faut que quelque chose soit arrivé comme une tempête ou une inondation. Est-ce qu'on peut réussir la totalité de ce qu'on entreprend ? Je ne le pense pas non plus car la nature est là. Vous pouvez faire un mètre linéaire de semis de petit pois avec des graines qui ne prendront pas parce qu'un oiseau ou un mulot les ont mangées. Ça arrive, on recommence, ce n'est pas trop grave. Mais si on commence par cultiver des légumes simples sur une petite surface, alors réussir une grosse partie de son potager, c’est possible. C’est ce que j’explique dans mon livre ‘Réussir son potager’, en projetant la culture d’un potager sur trois ans. Et dans ‘Mes fiches jardinier débutant, Le potager inratable’, j’ai sélectionné les 10 légumes les plus simples selon moi. Ce sont des légumes simples par la forme de leur graine par exemple. Quand on peut tenir la graine en main, l'enfoncer comme il faut parce qu'on la voit bien, ça facilite grandement les choses. C'est le cas des graines de petits pois, des courges et des haricots verts qui sont assez gros. Les graines de carottes sont beaucoup plus fines, donc plus compliquées à semer. La deuxième chose qui fait qu'un légume peut être plus simple qu'un autre, c’est le temps avant récolte. Par exemple, le radis peut être récolté en 20 à 25 jours, la laitue en 30 à 45 jours. Si on rate, on recommence, on peut cultiver ces légumes toute l'année. En revanche, on peut complètement passer à côté de la saison des tomates si un plant n’a pas fonctionné fin juin, il est trop tard pour ressemer ou planter. Et puis on peut aussi commencer par les plants sans passer par les semis, parce que faire ses semences exige de la place et de bonnes conditions. Ce n’est pas donné à tout le monde de pouvoir faire ses plants de tomates dès le 15 mars ou de poivrons dès le 15 février.

commencer par délimiter l’emplacement idéal de son potager

GARDENA - Quels sont vos conseils pour bien démarrer un potager ?

Pierre le cultivateur - Il faut commencer par trouver l'emplacement idéal. Je donne souvent l'image de la piscine : on l’imagine en plein soleil, à l’abri du vent et des regards, dans un endroit où on se sent bien. Eh bien, installez un potager en lieu et place de votre piscine ! L’emplacement idéal, c’est 6 à 8 heures d'ensoleillement par jour, avec des zones d’ombres et abrité des vents du nord, surtout si on veut cultiver les légumes du soleil comme les tomates, poivrons et aubergines. Parce que ce sont des vents frais qui assèchent la terre. Si on n’a pas cet ensoleillement, on peut faire d'autres légumes comme les épinards ou les haricots. Il faut adapter selon son lieu de résidence. Au nord de la Loire, on cultive la tomate en plein soleil alors qu’au sud de la France, on va l’ombrager. Les épinards se cultivent à l'ombre dans le sud alors qu’en Normandie, on les cultive en plein soleil. Ensuite, il faut délimiter votre parcelle, en utilisant du bois par exemple, de manière à bien visualiser l’espace de culture. Évitez de faire un potager de plus d'un mètre vingt de large pour pouvoir tendre le bras facilement tout en étant accroupi et aller au milieu de votre parcelle. Faire quelque chose d'accessible et d'une taille raisonnable, c'est important. J’ai commencé avec 1 m2 et c’était suffisant. Si on veut se faire plaisir sans devenir esclave de son potager, 10m2 permettent de mettre 2-3 plants de tomates, un plant de courgettes, de faire une ligne de petits pois, une de haricots verts, une de carottes et une de radis, ou les deux mélangées, et de planter quelques laitues. En revanche, n’espérez pas faire des pommes de terre car ce sont des légumes qui prennent de la place.

GARDENA - Quel est le meilleur moment pour commencer son potager ?

Pierre le cultivateur - Il y a deux périodes intéressantes pour délimiter un potager : en automne, on délimite sa parcelle, on ajoute du compost, on paille avec de la paille, du foin ou des feuilles mortes et on ne fait plus rien. On attend le printemps pour planter. Au printemps, c'est différent. Il faut retirer la zone enherbée avec une bêche, gratter et aérer la terre pour libérer le lit de semences. Ajouter un peu de compost ou de terreau et passer le râteau. Notre terre est prête à être semée, on peut alors commencer par planter des tomates, des petits pois et des haricots verts. Comme le printemps est une période assez longue, au début, il n’est pas nécessaire de retirer totalement la zone enherbée, on peut la recouvrir de compost et de paille et attendre la fin du printemps. Mais si on veut commencer un potager au mois de mai, il faut le faire tout de suite !

GARDENA - Quels outils et systèmes d’arrosage indispensables pour démarrer son potager selon vous ?

Pierre le cultivateur - Je ne vais citer que quatre outils. Trois outils à manche : la bêche parce qu'à un moment donné, il faut retirer la zone enherbée. On peut la laisser de côté si on commence son potager en automne, mais une bêche, cela sert toujours, pour planter un arbre ou un arbuste par exemple. Ensuite, une grelinette pour aérer la parcelle. On peut s'en passer si on fait cela avec la bêche mais sans jamais retourner la terre. Et enfin un râteau. Après un outil à main, soit une mini serfouette, soit un croc à quatre dents. Si on est sur les fleurs, il faut un sécateur évidemment, bien aiguisé et entretenu. Ensuite pour l’arrosage, le paillage c'est la base. Il ne se limite d’ailleurs pas qu’à minimiser l’arrosage, il nous permet de réutiliser la matière qu'on a chez soi comme les feuilles mortes par exemple. Les feuilles de fruitier sont très bien, on évite le noyer car ses feuilles mettent plus de temps à se décomposer et les épines de sapin, trop acides. Le paillage permet aussi à la terre de ne pas rester vide, de ralentir la pousse des indésirables et de protéger la vie du sol pour avoir une terre bien riche. On a tout à y gagner ! Et donc, ça évite l'arrosage. Même ici en Normandie, on a une terre beaucoup plus humide sous un paillage. Et quand il pleut, avec le paillage, la terre continue à absorber l'eau alors que sans, elle formerait une croûte à la surface presqu’imperméable.

le système d’arrosage MircoDrip efficace et économe en eau pour le potager

GARDENA - Et concernant les systèmes d’arrosage à mettre en place ?

Pierre le cultivateur - Concernant les différents modes d’arrosage, le goutte-à-goutte Micro-Drip-System est une solution super intéressante. Ce n’est pas compliqué à mettre en place, j’en ai un. J'installe mon goutte-à-goutte, je règle mes goutteurs comme je veux et je paille par-dessus. Moi, je plante à côté des goutteurs. Par exemple, si je dois planter des laitues tous les 30 cm, je règle mes goutteurs tous les 30 cm et je plante une laitue à chaque pied. Je déclenche l'arrosage le matin de 6 à 7h ou de 7 à 8h. Ce n’est pas parce qu'on a un goutte-à- goutte qu'il faut arroser entre midi et 13h ! On arrose en début ou en fin de journée, aux heures les plus fraîches. L’intérêt, c’est qu’avec le goutte-à-goutte, on voit ce qu’il se passe. Par exemple, si on sait qu'un goutteur c'est 2 litres d'eau et qu'un plant de tomates a besoin de 5 litres d'arrosage tous les 3-4 jours, comme en Normandie, j'allume 2 litres tous les 2 jours. Pendant une heure, il arrose la quantité nécessaire. Et si on a une zone non cultivée, comme en ce moment, j'ai 2 parcelles quasi vides, j’éteins simplement les goutteurs.

de beaux légumes avec les conseils de Pierre le cultivateur pour réussir son potager

GARDENA - Il y a encore des préjugés qui ont la vie dure au potager ou des astuces qui ne sont pas toujours efficaces ?

Pierre le cultivateur - Oui, par exemple, beaucoup de fausses recettes circulent sur la manière de repousser les limaces, avec le marc de café ou les coquilles d'œuf. Je pense que la solution miracle n'existe pas ! Sauf le canard coureur indien peut-être qui a l’air de fonctionner, mais tout le monde ne peut pas en avoir un chez lui. On dit encore que le lierre sur les arbres est mauvais, pourtant plusieurs thèses montrent qu’il ne leur fait pas de mal. Ou que les épluchures d’agrumes ne doivent pas aller au compost. Ce sont des mythes qui ont la vie dure, même si faire un compost avec 100% d'épluchures d'agrumes ne marchera pas, c'est une question d'équilibre. Je pense plutôt que c’est un cumul de solutions qui peut nous aider. Pour les limaces, je pars du principe qu'il vaut mieux les nourrir que de vouloir les repousser à tout prix. Dans mon potager bio, je varie les cultures et j’utilise du bois en décomposition pour que les champignons nourrissent les limaces. J'arrête d'arroser en fin de journée, comme ça elles ne profitent pas de la fraîcheur de la nuit pour manger mes légumes. Je mets des épluchures sous des boîtes d'œufs dont elles vont se régaler à l’abri des prédateurs. Le lendemain, je récupère les limaces sous les boîtes et les éloigne. En cumulant toutes ces astuces, j’évite les attaques sur la totalité de mes cultures.

Planter des aromatiques variés, l'ail, l'oignon, qui dégagent une forte odeur est aussi un moyen de déranger les parasites. C’est vrai que les ravageurs, maladies et autres parasites peuvent être décourageants quand on fait un potager, on y passe du temps et hop, un oiseau ou un mulot viennent manger toutes les graines ! Mais c'est aussi ça, c'est la nature, on recommence, on fait autrement et on trouve des solutions. Par exemple, je mets en terre mes plants de tomates sur différentes parcelles, dans ma serre, mon potager, sur ma terrasse, au pied des arbres, et à des moments différents après les Saints de Glace, comme ça si un plant ne fonctionne pas à un endroit et à un moment, ça marchera peut-être dans un autre. Ça me permet de multiplier les chances de réussite. La solution ultime n'existe pas, on apprend, il faut tester et se faire plaisir, c'est ça qui est intéressant.