5 questions à Francis Peeters
pour un jardin coloré et harmonieux
Les couleurs jouent un rôle primordial pour transformer un jardin triste ou froid en havre de paix et de bien-être. Déterminantes pour créer de la profondeur, des ruptures ou de grands espaces harmonieux, nous sommes nombreux à souhaiter savoir les manier au jardin, pour ensuite les utiliser selon nos propres goûts. Nous avons donc posé 5 questions à Francis Peeters, journaliste et chroniqueur dans l’émission ‘Jardins et loisirs’ à la télévision belge. Auteur de plusieurs ouvrages, il explique le fonctionnement et les règles d’utilisation des couleurs au jardin dans son livre Guide de la couleur au jardin paru aux éditions Ulmer.
GARDENA - Peut-on considérer qu’il existe des règles avec la couleur au jardin comme il en existe en décoration par exemple ?
Francis Peeters - La couleur est utilisée de multiples manières dans l’art, le quotidien (les pubs) et par essence le jardin obéit aux mêmes règles visuelles qu’une peinture, avec la particularité cependant d’évoluer au fil des heures et des jours, selon la lumière changeante et la maturité de la fleur ou du feuillage. Cela rend les choses plus difficiles à cerner qu’une image fixe et définitive. Le feeling du jardinier est donc aussi important que les règles en matière de couleurs qui ne sont qu’une base à adapter selon les conditions de son propre jardin.
GARDENA - Quelles sont à votre avis les meilleures associations de couleurs dans un jardin ?
Francis Peeters - Il n’y en a pas si l’on tient compte des goûts de chaque jardinier. Certains sont allergiques au jaune ou à l’orange alors que le mauve, le blanc et le rose satisfont la majorité. C’est le parti pris du livre : donner toutes les combinaisons imaginables de couleurs au jardin sans imposer quoi que ce soit.
Toutefois, on peut considérer que la juxtaposition de deux couleurs, une primaire et sa complémentaire, est l’une des bases pour la création de parterres. Par exemple, le rouge et le vert entrent en dialogue et s’enrichissent malgré leur contraste. C’est une combinaison facile à obtenir par l’abondance de feuillage vert. Bleu et orange s’équilibrent si la quantité d’orange est réduite. Jaune et violet se rendent service, le violet contrebalançant la luminosité du jaune. La vraie richesse d’un jardin, ce sont des couleurs tertiaires avec le pourpre, l’indigo, le turquoise, le chartreux (vert + jaune), le doré et l’écarlate. Elles apportent de la profondeur dans un jeu de clair-obscur au sein d’un parterre, supportent de larges plages d’exposition et permettent des combinaisons complexes et nuancées. Elles sont d’ailleurs les préférées des jardiniers professionnels. Mais rien de remplace l’expérimentation avec ses réussites et ses ratés ! Car dans chaque jardinier sommeille un peintre capable d’explorer une infinité de nuances.
GARDENA - Faut-il aller vers les contrastes ou les harmonies ?
Francis Peeters - Tout dépend de la personnalité du jardinier. Les harmonies sont souvent acceptées par tous car elles sont logiques et sans prise de risque. La solution la plus simple, en théorie, serait donc de choisir les couleurs adjacentes sur le cercle chromatique car elles partagent un pigment commun. C’est un choix plutôt sage qui peut s’exprimer sur de vastes espaces. Le problème se pose avec les contrastes, plus risqués, qui ouvrent le débat, ce qui est bien puisqu’au moins on parle, et on argumente là où les harmonies parlent d’elles-mêmes ! Si les contrastes fonctionnent bien, comme un long parterre de fleurs rouges avec son feuillage de verts nuancés par exemple, alors la lecture de cette partie du jardin est claire et énergique. Tout est donc question de contexte… Imaginez un jardin débordant de couleurs intenses en réponse à une région où le ciel est souvent gris ! Que le jardinier aime la douceur ou l’intensité, c’est sa personnalité qui s’exprime au jardin.
GARDENA - Comment la couleur va changer ou moduler notre jardin ? Le rendre plus grand par exemple ?
Francis Peeters - Certaines couleurs créent un effet d’optique qui « manipulent » les distances. Le rouge et l’orange accrochent le regard immédiatement. L’utiliser dans de petits espaces n’est pas conseillé si l’on veut donner l’impression que le jardin est plus grand qu’il ne l’est en réalité. Le mauve et le violet calment une architecture trop géométrique et allègent un mur trop présent. Les bleus agrandissent visuellement l’espace en apportant une plus grande profondeur de champs qui attire l’œil vers le fond du jardin. Côté ambiance, les couleurs jouent également un rôle : des roses bleutées par exemple placées à l’ombre refroidissent l’espace alors qu'elles se teintent d’une lumière chaude au soleil.
GARDENA - Dans votre Guide de la couleur au jardin, vous passez en revue 8 couleurs principales au jardin, pouvez-vous nous donner une règle d’utilisation pour chacune d’elle ?
Francis Peeters - Rouge
Les couleurs à forte personnalité comme le rouge s’utilisent avec parcimonie pour réveiller çà et là un coin triste ou banal. Il faut toutefois observer les nuances du rouge, qui tirent parfois vers le bleu, parfois vers le jaune. Un rouge bordeaux se marie à merveille avec des nuances bleutées alors que certains oranges deviennent les complices d’un rouge vermillon.
Rose
Contrairement à ce que son pourrait penser, il existe des roses bien plus complexes et attirants que le rose Barbie ! La nuance saumonée en est d’ailleurs un excellent exemple. Longtemps ignorée, elle devient ces dernières années la coqueluche au jardin par sa douceur qui ne se défait toutefois pas d’une présence affirmée et complice de nombreuses associations.
Mauve
C’est la nuance incontournable pour tous ceux qui aiment le calme, et qui apporte le calme ! On ne se ’trompe’ jamais en choisissant le mauve. C’est d’ailleurs la couleur préférée des débutants qui s’enhardissent par la suite en se tournant vers d’autres couleurs après avoir visité des jardins confirmés.
Bleu
Une couleur rare au jardin qui partage donc peu par définition. Il faudra veiller à l’utiliser avec des blancs ou d’autres couleurs pâles sans créer de contraste-choc. A moins bien sûr d’avoir des murs extérieurs à la Majorelle !
Jaune
Même si certains le snobe, le jaune est partout et incontournable, ne serait-ce que dans le cœur des fleurs bien souvent jaunes même si les pétales sont d’une autre couleur.
Orange
Tout le monde aime l’orange sauf quand on déteste les couleurs d’automne. C’est l’orange pur qui peut ‘agacer’ les jardins qui n’ont pas encore une once de cette couleur. Toutefois les tonalités chaudes qui s’enrichissent de brun ou même de rose deviennent crédibles et se marient avec de nombreuses tonalités y compris le rouge sombre.
Vert
C’est la couleur la plus présente au jardin et on ne le sait, ou on ne le voit pas. User et abuser des contrastes de formes quand le vert est uniforme ou mélanger les tonalités de vert pâle, pistache, panachés crème et panaché jaune. Le grand chic, c’est le jardin vert aux diverses textures d’où ne s’échappent que quelques fleurs choisies qui se succèdent au fil des saisons.
Blanc
L’absence de couleur est étonnamment compliquée au jardin car elle crée des ’trous’ visuels sans liens entre les couleurs voisines. Il est plus harmonieux d’utiliser des couleurs qui tirent vers le blanc très légèrement nuancées de rose ou de bleu par exemple pour lier les couleurs voisines entre elles.
A lire pour découvrir davantage de conseils sur la couleur au jardin :
Guide de la couleur au jardin de Francis Peeters, photographies de Guy Vandersande, édition Ulmer, 2023.
